Qu'allons nous faire du temps gagné avec l'IA ?L’IA : deux faces d’une révolution en marche

Je vous présente Sarah. Elle est contrôleuse de gestion dans une entreprise de 500 personnes. Pendant des années, elle a passé 50% de son temps à collecter, vérifier et saisir des données dans des tableurs. Un travail nécessaire, certes, mais répétitif et peu valorisant. Voici Véronique. Elle est chargée de répondre aux demandes des clients qui souhaitent une intervention d’un technicien. Et voilà Ahmed. Il manage une équipe de 12 commerciaux qui visitent des clients en retail. Il passe près de 30% de son temps à réaliser des analyses de performances de son équipe, à préparer des réunions, des négociations et des présentations clients.

Grâce à l’IA, les tâches de ces professionnels ont été automatisées. Sarah a enfin du temps pour analyser les tendances, conseiller les opérationnels, et contribuer aux décisions. Elle se sent plus utile, plus valorisée. Son travail a retrouvé du sens. Véronique prend plus de temps avec les clients pour des réponses plus complexes. Ahmed est auprès de son équipe. Il les accompagne, les coache. Il a aussi plus de temps pour échanger avec ses pairs et aussi pour lui.


Selon l’étude « Global Workforce of the Future » réalisée par Adecco Group auprès de 37 500 professionnels, l’IA permet de gagner 2 heures par jour.


Ces 3 histoires, loin d’être isolées, illustrent la promesse de l’intelligence artificielle dans nos organisations. Mais attention : derrière ces belles histoires se cache une réalité plus nuancée qui mérite toute notre attention en tant que dirigeants et responsables RH.

L’IA, catalyseur de sens au travail : une opportunité historique

La fin des tâches sans valeur ajoutée ?

Le premier bénéfice de l’IA est indéniable et immédiat : elle automatise les tâches répétitives qui épuisent nos collaborateurs sans les nourrir intellectuellement. Saisie de données, reporting standardisé, traitement de formulaires, classification de documents… préparation et comptes rendus de réunions, autant d’activités qui mobilisent du temps sans créer de satisfaction professionnelle.

Cette automatisation n’est pas qu’une question d’efficacité opérationnelle. C’est avant tout une question de qualité de vie au travail. Les études en psychologie du travail le confirment : le stress et le mal-être professionnel proviennent davantage du manque de sens que de la charge de travail elle-même. En libérant nos équipes des tâches mécaniques, l’IA leur redonne du temps pour se concentrer sur ce qui fait l’essence de leur métier : la réflexion, la créativité, la relation aux autres.

Du temps retrouvé pour l’humain

Le deuxième effet majeur de l’IA est la libération de temps pour ce qui compte vraiment : les relations humaines. En interne et en externe.

  • Temps pour échanger avec les clients, comprendre leurs besoins en profondeur, construire une vraie relation de confiance.
  • Temps pour collaborer avec ses collègues, partager ses connaissances, innover collectivement et aussi apprendre ensemble.
  • Temps pour manager avec présence et écoute, pas simplement gérer des indicateurs.
  • Et temps pour soi, pour son équilibre vie pro/vie personnelle, pour se former aussi.

Dans un monde où la différenciation passe de plus en plus par l’expérience client et l’intelligence collective, ce temps retrouvé est un actif stratégique majeur. L’IA ne remplace pas l’humain : elle lui permet de redevenir pleinement humain dans son travail. C’est aussi un levier pour améliorer l’expérience collaborateur et fidéliser les salariés.

La diversification des missions : vers des métiers plus riches

Comme l’observe Carole Agnès de IESPM : « les personnes qui passent 80% de leur temps à enregistrer des données sur PC ne feront plus ce travail demain ». Cette phrase, loin d’être inquiétante, ouvre la voie à une transformation positive du contenu du travail.

L’IA permet une vraie diversification des missions. Les collaborateurs peuvent explorer différentes facettes de leur métier, développer de nouvelles compétences, s’attaquer à des problématiques plus variées et plus stimulantes. Finies les journées monotones où l’on répète les mêmes gestes. Place à des journées où l’on jongle entre analyse, conseil, création et collaboration.

Cette diversification n’est pas qu’un bénéfice pour le salarié : c’est aussi un atout pour l’entreprise qui gagne en agilité, en polyvalence et en capacité d’innovation.


Vous voulez en savoir plus sur les effets de l’IA sur la QVCT. Vous pouvez me contacter pour organiser un webinaire de 1 heure sur le sujet. Vous repartirez avec le livre blanc et des points de repères.


Contenu de l’article
Extrait des 28 pages du livre blanc : les effets de l’IA sur la QVCT

Les zones de vigilance : ne pas créer une nouvelle pénibilité

Mais attention. Si nous ne pilotons pas cette transformation avec lucidité, nous risquons de remplacer une pénibilité par une autre, potentiellement plus insidieuse.

La surcharge cognitive : le nouveau risque invisible

Premier point d’alerte : le temps gagné sur les tâches répétitives est souvent réinvesti dans des tâches cognitivement plus exigeantes. Et c’est là que le piège se referme.

Les tâches répétitives, aussi peu gratifiantes soient-elles, avaient une vertu cachée : elles permettaient des micro-pauses cognitives. Saisir des données pendant 20 minutes, c’est mettre son cerveau en pilotage automatique, lui permettre de souffler entre deux phases d’intense concentration. Ces moments de « repos actif » étaient des soupapes de sécurité contre la fatigue mentale.

Avec l’IA, nous risquons de créer des journées en tension cognitive permanente : analyser, décider, créer, résoudre des problèmes complexes… du matin au soir, sans répit. La charge de travail ne diminue pas : elle se déplace vers le haut de la chaîne de valeur. Et cette montée en intensité cognitive peut générer une fatigue d’un nouveau genre, plus profonde et plus difficile à récupérer.

Les symptômes ? Difficulté à déconnecter, insomnie, baisse de la créativité, irritabilité, erreurs de jugement. Des signaux que nous devons apprendre à détecter avant qu’ils ne se transforment en burn-out.

Les nouvelles inégalités dans l’entreprise

Deuxième vigilance majeure : tous les collaborateurs ne sont pas égaux face à cette transformation. Les salariés moins acculturés au numérique, ceux qui ont construit leur expertise sur des tâches devenues automatisables, ceux qui ont moins de capacité d’adaptation… tous risquent de se retrouver en difficulté.

La question est brutale mais nécessaire : pourront-ils tous suivre ?Quand on demande à quelqu’un qui a passé 10 ans à faire de la saisie de données de monter en compétences, en responsabilités du jour au lendemain, on ne mesure pas toujours l’ampleur du défi cognitif, émotionnel et identitaire que cela représente.

Sans accompagnement adapté, l’IA risque de créer de nouvelles fractures dans l’entreprise. Entre ceux qui surfent sur la vague et ceux qui la subissent. Entre les « IA-natives » et les autres. Entre ceux qui trouvent leur compte dans des tâches à haute valeur ajoutée et ceux qui se sentent dépassés et dévalorisés.

Une stratégie et un accompagnement : les facteurs clés de succès

Face à ces enjeux, la réponse est à deux niveaux. D’abord il s’agit de construire une vision et une stratégie IA. De répondre à la question posée : que voulons-nous faire du temps gagné ? Puis, il s’agit d’accompagner cette transformation. Voyons cela de plus près.

Flécher le temps gagné vers ce qui nourrit

Voici la question stratégique que tout comité de direction devrait se poser : que faisons-nous du temps libéré par l’IA ?

Trois options s’offrent à nous :

  1. L’option productiviste : on augmente la charge de travail, on fait plus avec les mêmes effectifs, voire on réduit les équipes. C’est la tentation court-termiste qui maximise le ROI immédiat de l’IA.
  2. L’option équilibrée : on réinvestit une partie du temps gagné dans des activités à haute valeur ajoutée (innovation, relation client, amélioration continue) et une autre partie dans le bien-être et le développement des équipes.
  3. L’option durable : on repense stratégiquement l’allocation du temps gagné comme un investissement à long terme dans le capital humain de l’entreprise.

Mon expérience me dit que seules les options 2 et 3 sont viables dans la durée. Voici comment concrètement utiliser ce temps :

  • Renforcer les liens sociaux : temps d’échange informels, moments de convivialité, rituels d’équipe. Ce qui crée l’engagement et la cohésion.
  • Investir dans la formation continue : non seulement sur l’IA, mais sur tous les domaines qui enrichissent les compétences de vos équipes.
  • Créer des espaces d’innovation : du temps dédié pour explorer, expérimenter, proposer des améliorations.
  • Respecter les temps de pause cognitive : des vraies pauses, assumées, qui permettent au cerveau de récupérer.

Former massivement et intelligemment

La formation est au cœur de la stratégie de déploiement de l’IA. Mais attention, pas n’importe quelle formation. Pas seulement une formation technique sur les outils. Une formation qui inclut :

  • L’acculturation digitale pour ceux qui en ont besoin, sans jugement ni infantilisation
  • Le développement des compétences cognitives supérieures : pensée critique, discernement, résolution de problèmes complexes, créativité, intelligence émotionnelle
  • L’apprentissage de nouvelles façons de travailler : collaboration homme-machine, gestion de l’attention, organisation du travail en mode projet
  • La formation aux soft skills que l’IA rend encore plus déterminantes : manager avec l’IA, communication, empathie, leadership

Cette formation doit être progressive, adaptée aux rythmes de chacun, et accompagnée d’un vrai dispositif de mentorat et de soutien.

Adapter les organisations du travail

L’arrivée de l’IA doit nous pousser à repenser nos organisations du travail. Quelques pistes :

  • Alterner les types de tâches dans une même journée : mixer les moments d’intense concentration et les moments plus légers
  • Intégrer des pauses de déconnexion dans les plannings, pas comme une faiblesse mais comme une nécessité physiologique
  • Réduire la charge de réunions pour compenser l’augmentation de la charge cognitive liée aux tâches enrichies
  • Développer le télétravail intelligent qui permet à chacun de gérer son énergie cognitive selon son rythme
  • Créer des rôles hybrides qui combinent des missions à forte valeur ajoutée et des missions plus « respirantes »

Le piège à éviter absolument : l’IA prétexte à la réduction d’effectifs

Soyons clairs : utiliser les gains de productivité de l’IA pour réduire les effectifs est la pire des stratégies à moyen terme.

Pourquoi ? Parce que cette décision envoie un message toxique à toute l’organisation : « Si on adopte l’IA et que nous sommes tous plus efficaces, nous mettons les postes « IA-compatibles » en danger. » C’est la meilleure façon de créer une résistance massive au changement, de tuer l’innovation et de dégrader le climat social.

De plus, elle passe à côté de l’essentiel : dans un monde où l’IA automatise la production, la vraie valeur se situe dans ce que l’IA ne peut pas faire : créer du lien, innover, comprendre les subtilités d’un contexte humain, prendre des décisions dans l’incertain.

Le bon réflexe ? Réallouer les ressources humaines vers ces activités à haute valeur ajoutée que nous n’avions pas le temps de faire avant. Développer de nouveaux services, approfondir la relation client, explorer de nouveaux marchés, renforcer la culture d’entreprise.

Concrètement, que faire dès demain ?

Si vous êtes DRH, CTO ou dirigeant et que vous lisez cet article, voici un plan d’action en 5 étapes pour aborder sereinement cette transformation.

  1. Réaliser un diagnostic fin de l’impact de l’IA sur chaque métier de votre organisation :
    1. Quelles tâches vont être automatisées ?
    2. Quelles nouvelles compétences seront nécessaires ?
    3. Qui risque d’être en difficulté ?
  2. Co-construire avec les équipes la vision de ce que sera leur métier demain : impliquez-les dans la réflexion, recueillez leurs inquiétudes, intégrez leurs idées.
  3. Mettre en place un programme d’accompagnement ambitieux : formation, coaching, mentorat, avec des moyens à la hauteur de l’enjeu.
  4. Définir clairement la politique d’allocation du temps gagné : combien pour la productivité ? Combien pour le développement ? Combien pour le bien-être ? Et communiquez massivement sur ces choix.
  5. identifier et piloter les signaux faibles : charge cognitive, qualité de vie au travail, inégalités émergentes. Mettez en place des indicateurs et des rituels pour en parler régulièrement.

Pour conclure : l’IA, miroir de nos choix managériaux

L’intelligence artificielle n’est ni bonne ni mauvaise pour le travail. Elle est ce que nous en faisons ou ferons. Elle peut effectivement redonner du sens, enrichir les métiers, libérer du temps pour l’humain. Mais elle peut aussi créer de nouvelles pénibilités, de nouvelles inégalités, une nouvelle forme d’épuisement.

Le choix nous appartient. Et ce choix se joue maintenant, dans les décisions que nous prenons aujourd’hui sur le déploiement de l’IA. Choisissons-nous l’optimisation à court terme ou l’investissement dans l’humain ? La course à la productivité ou la construction d’organisations plus saines et plus résilientes ?

Ma conviction : les entreprises qui réussiront la transformation par l’IA ne seront pas celles qui l’auront déployée le plus vite, mais celles qui l’auront déployée le plus intelligemment, en mettant l’humain et la QVCT au cœur de la stratégie.

Et vous, comment envisagez-vous cette transformation dans votre organisation ? Quels défis rencontrez-vous ? Quelles solutions avez-vous trouvées ? Je serais ravi d’échanger avec vous dans les commentaires.


Ce 2ème article de la série s’appuie sur les enseignements de notre livre blanc « Les effets de l’IA sur la QVCT ». Si vous souhaitez approfondir ces réflexions, si une présentation détaillée du livre blanc vous intéresse, n’hésitez pas à me contacter pour organiser un webinaire d’une heure.

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Sommaire du livre blanc

Franck Pagny Fondateur de Vivement lundi.

Facilitateur du changement à l’ère de l’IA

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Franck Pagny a partagé dans ce livre des conseils pratiques, des cas concrets, des méthodes et des astuces pour manager avec et par le plaisir au travail.