Le bonheur au travail deviendrait-il un diktat ? 3 ouvrages récemment parus dénoncent cette injonction au bonheur au travail. Vous avez peut être entendu parler ou lu les livres : Happycratie, La comédie Inhumaine, Le Salaire de la Peine. Si les approches sont différentes, les auteurs ont un point commun : critiquer la tendance actuelle autour du bonheur au travail en général et les CHO, Chief Happiness Officers en particulier. Et bien… je trouve que ces critiques sont une excellente nouvelle. (Je suis génétiquement positif !). En effet, cela démontre que le sujet du bonheur au travail a atteint une réelle maturité et même une certaine notoriété. Il est au cœur de l’actualité. Le sujet est en première page des magazines Management et Kaizen de ce mois de mai.

Du goudron et des plumes pour les CHO !

Avez-vous écouté sur France Inter l’émission Le téléphone sonne et l’animatrice, Fabienne Sintes ? Je vous invite à la réécouter. Elle veut du goudron et des plumes pour les CHO ! (28’35 »). Pour Julia de Funès, les bons coachs seraient des exceptions comme les poissons volants ! (7’15 »). Pourquoi tant de violence contre des salariés qui veulent le bonheur des autres salariés ! Certes les CHO sont à la mode. Mais est-ce un artefact, du pipeau, comme le babyfoot ou la séance de yoga ? Ce, alors que certains collaborateurs sont en réelle souffrance en burn, en bore en brown out ! Je crois surtout que ce n’est pas la bonne question à se poser.

La bonne question est la suivante : Quelle est l’intention du Dirigeant, du DRH qui crée ce poste dans son entreprise ? Quels sont les moyens dont le CHO dispose ? Et ce n’est effectivement pas avec un CHO qui organisera des jeux, des gouters et des tournois de babyfoot que les problèmes de souffrance au travail, de harcèlement ou d’inadéquation des moyens vs les objectifs seront résolus. Mais, si l’intention est de faciliter des moments de partage, de développer la convivialité, de mieux se connaître entre services, alors oui, ce premier petit pas vers le plaisir au travail est une très bonne idée. Un voyage de mille miles commence par un pas !

Le bonheur au travail ? Non ! le plaisir oui !

Pour moi, la notion de bonheur est très personnelle. Chacun a sa propre conception et ses propres critères pour être heureux. C’est intime. Donc effectivement, je rejoins les auteures et ce mot n’a pas sa place dans l’univers de l’entreprise. Est-ce une hypocrisie ? A voir ! Je préfère parler de plaisir au travail que de bonheur. Le plaisir au travail est lié à des conditions à la fois matérielles, financières et relationnelles. Le plaisir au travail se voit. Le collaborateur a le sourire, les yeux qui brillent, il est engagé, il peut même être passionné par son métier. Il est tout à fait possible d’avoir du plaisir à bien faire son travail. J’ai rencontré des soudeurs, des chaudronniers, des développeurs, qui étaient très fier du bel ouvrage réalisé, des commerciaux ravis et même enchantés de décrocher un nouveau client, des soignants très (toujours) impliqués et très contents quand un patient ou une famille les remercient et les félicitent pour les soins à l’attention prodigués.

Le mal être au travail vient-il d’une crise de système ?

C’est assez facile de critiquer un système économique ou social car souvent cela permet de se déresponsabiliser des actions et des résultats. Si je suis mal dans mon travail, désengagé, ce n’est pas de ma faute mais celle du système ! Trop facile ! Une entreprise ne peut perdurer si elle n’est pas rentable. Le but de toute entreprise et organisation est d’être performante. Mais aujourd’hui, pour que la performance économique dure, il est indispensable de l’équilibrer par la performance humaine. J’entends par là créer les conditions pour que les collaborateurs aient du plaisir au travail. C’est, et ce sera de plus en plus une condition sine qua non pour attirer et retenir les talents, pour innover, pour vendre. Le système actuel fonctionnera à cette condition. Et soyez surs que les nouveaux embauchés vous le rappelleront ! Là, je n’ai rien inventé. Un certain Antoine Riboud a, dans un discours en 1972 à Marseille, avancé le concept de la croissance équilibrée avec 2 piliers pour le chef d’entreprise : « chercher à atteindre des objectifs économiques et des objectifs humains et sociaux ».

3 acteurs : 3 responsables

Pour résoudre un problème, il faut se poser les bonnes questions. Et la question la plus importante n’a pas été posée par nos auteures : Le bonheur est-il lié à une démarche personnelle et individuelle ou à une action collective décidée par l’entreprise ? Et bien les trois ! 3 acteurs doivent être mis en responsabilité pour générer plaisir, engagement et performance au travail. Le collaborateur, l’entreprise et le manager. Plusieurs leviers concourent au plaisir au travail. Nous en avons identifié 11. (cf articles précédents). Voyons cela de plus prés.

Le collaborateur est responsable de son propre plaisir au travail :

Chaque collaborateur a la responsabilité d’agir sur les leviers individuels du plaisir au travail qui ne dépendent que de lui. Vous pouvez décider seul, de mieux écouter vos collègues, de reconnaitre leurs talents, leurs efforts et les résultats. Il ne dépend que de vous de proposer des améliorations de vous former et de gagner de l’autonomie. Vous pouvez appréhender un changement par une résistance ou y voir une opportunité. Vous pouvez décider de faire attention à votre santé, à votre équilibre par des lectures, une alimentation plus saine, par la méditation et le sport. Vous pouvez aussi agir sur une partie de votre cadre de travail. Mais ce n’est pas toujours suffisant pour éprouver du plaisir au travail et dire : « Vivement lundi que j’y retourne ! »

L’entreprise est responsable du plaisir au travail des salariés :

Plusieurs leviers ne peuvent être actionnés qu’avec une décision collective et dépendent de l’entreprise et de sa politique en ressources humaines. Il s’agit notamment des conditionsmatérielles favorables, de l’équité dans les avantages et la rémunération, de l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, de la sécurité des salariés, de la fierté, et de sa vocation. Il s’agit aussi des actions sur le travail en lui-même. Dans qualité de vie au travail il y a aussi le mot travail. Et c’est à l’entreprise de travailler le travail, d’améliorer l’organisation, la communication et d’apporter les moyens à chacun pour réaliser les objectifs avec une intensité de travail acceptable.

Le manager est responsable du plaisir au travail de son équipe :

On dit que l’on postule pour l’entreprise et que l’on part pour un manager. C’est souvent vrai. Le manager à un rôle essentiel pour générer du plaisir au travail. Il peut agir seul, sur la reconnaissance, l’écoute, sur l’organisation de moments de partage dans son équipe. Il peut aussi décider de son libre arbitre, de donner plus de sens aux tâches qu’il demande. Il peut accorder sa confiance ou pas, en déléguant une mission. Cela ne dépend que de lui. Trop souvent, le manager a été le meilleur dans son métier. Mais le meilleur commercial ne fait pas le meilleur chef des ventes ! Le technicien expert ne devient pas le meilleur responsable. Manager est une compétence qui s’acquiert. Et force est de constater que les managers sont très peu formés au management. Ils ont souvent tendance à reproduire ce qu’ils ont eux-mêmes vécus.

Les 3 acteurs ont une part de responsabilité

Il est très et trop facile de rejeter la responsabilité sur l’autre. Le système, le grand machin, l’autre. C’est le fameux : « Ils » notion aussi floue que vaste qui recouvre la Direction, le siège, les lobbys, l’état. Bref l’inconnu. Chacun a sa part de responsabilité, de pouvoir et de décision pour générer du plaisir au travail autour de lui. Mais dans le fond « qu’est ce qui ne dépend que de moi pour y parvenir ? est une bonne question à se poser. Dans la quête de la performance équilibrée, chacun peut y gagner. L’entreprise en ayant une image de marque attirante et reconnue, un faible absentéisme, pas d’accident du travail, et un engagement de ses collaborateurs, leviers de la profitabilité. Le manager qui peut s’appuyer sur une équipe innovante, solidaire et performante. Et le collaborateur, vous, moi, qui peut aller travailler sans avoir la boule au ventre, en se sachant attendu par ses collègues, en ayant un équilibre entre sa contribution et sa rétribution et aussi en étant fier de son métier. Cet équilibre est un cercle vertueux.

Se faire aider ? en voilà une bonne idée

Faut-il fait appel à un poisson volant ? Je veux dire à un coach, un consultant, ou un happyculteur de bon niveau et compétent. Cela peut s’avérer une excellente idée. Il apporte un regard externe exempt de l’histoire de l’entreprise et des jeux d’influence. Il est là pour « dire les choses » avec pertinence et franchise. Il apporte aussi ses expériences issues des missions réalisées. Il aide à « sortir la tête de l’eau » et à voir ce qu’on ne voyait plus. Il propose des méthodes innovantes d’analyse et de prise de recul pour décider. Il peut inspirer et faciliter le changement. Qu’allez-vous faire demain, qui ne dépend que de vous, pour générer du plaisir au travail ?