
#1 Sortir du “Shadow IA” : de l’usage clandestin à l’avantage compétitif
Un salarié sur deux utilise déjà l’IA dans son travail. Mais une large part le fait en secret. On parle de “Shadow IA” : des usages non déclarés, hors cadre. Ce phénomène dépasse la question outillage/sécurité : il révèle un flou de gouvernance, de stratégie et l’envie de tester, de jouer. C’est vrai que l’IA est facilement accessible et apporte une réelle valeur ajoutée. Cela va tellement vite ! Les décideurs, Direction, DRH, DSI, IT, CTO n’ont pas toujours eu le temps de se poser et de définir une stratégie IA.
« Le « Shadow IA est le symptôme d’un besoin non traité » e
“Ne dites pas à mon manager que j’ai fait ce travail avec l’IA, il me croit expert sur le sujet !” Entendu lors de mes entretiens terrain.
Voici des chiffres qui interpellent : (Centre Inffo 2024, travaux INRIA),
- 53 % des actifs utilisent l’IA au travail
- 8,5 % des prompts contiennent des données sensibles
- 64 % utilisent des versions grand public donc non protégées
- seulement 15 % des salariés ont été formés.
Autrement dit : usage massif + faible cadrage+ peu de formation. Le cocktail parfait pour… l’ombre.
« Les bricolages sont instructifs mais très risqués ». Selon Yann Ferguson INRIA
Le syndrome de la “digital shame”
Les collaborateurs ont parfois honte de dire qu’ils utilisent l’IA. D’autres estiment qu’un travail réalisé plus vite avec l’IA aura une valeur perçue moindre.” Une question sensible émerge : « qu’est-ce qui fait la valeur du travail ? » Le temps passé ou le résultat utile, fiable, responsable ?
Trois profils d’utilisateurs… en sous-marin
- Les explorateurs enthousiastes : ils testent (ChatGPT, Claude, Gemini,…), apprennent vite, mais se taisent par crainte d’un veto ou par manque de cadre.
- Les pragmatiques discrets : ils gagnent du temps sur les tâches répétitives, mais redoutent d’être accusés de “triche”. Ou qu’on remonte leurs objectifs.
- Les anxieux cachés : ils utilisent l’IA par nécessité, sans maîtrise critique ; erreurs et stress à la clé.
Pourquoi ce silence ?
- Pas de vision explicite : sans cap, sans stratégie IA ou cadre clair, chacun « bricole ».
- Un accès facile et ludique : L’IA est si facile à utiliser, si amusante et produit une réelle valeur ajoutée avec peu d’apprentissage.
- Peur de l’interdit : “Il vaut mieux demander pardon que la permission”.
- Crainte du jugement : “utiliser l’IA = tricher ?” La valeur du travail reste encore associée à l’effort visible, au temps passé et non au résultat final.
Une trajectoire de sortie du shadow IA : 5 étapes pour passer de l’ombre à la lumière
Le risque est trop élevé. Plutôt que d’observer et de subir, il s’agit de décider et de déployer une stratégie IA et claire et cela commence par une trajectoire de sortie du shadow IA. Il convient cependant de ne pas définir un cadre trop contraignant. Lequel serait vite contourné. Voici 5 étapes pour y parvenir :
- Reconnaître officiellement le phénomène. Réaliser un état des lieux : qui utilise quoi, pour quels besoins ? Il faut rendre les usages visibles, selon Yann Ferguson.
- Donner une position claire. Dire ce qui est encouragé, ce qui est interdit, ce qui est protégé. Le flou crée l’anxiété. Le cadre peut/doit être construit en mode participatif et non en mode descendant pour favoriser l’adhésion et l’efficacité.
- Offrir des alternatives sécurisées. Proposer des outils validés, des comptes pros, payants. Et imposer des réglages de confidentialité, et des canaux dédiés.
- Former sans stigmatiser. Former à la technique, et surtout à l’esprit critique, au discernement (vérification, limites, biais, traçabilité). Valoriser les bons usages.
- Organiser le partage. Animer des communautés de pratiques, « IA champions ». Lancer des défis internes, mutualiser des bibliothèques de prompts audités.
Cas pratique. Chez LDLC, Laurence Lacombe (DSI) a fait le choix de la transparence : car « Pour répondre au besoin non traité, nous avons un abonnement d’entreprise + charte claire (“pas de données sensibles”, “ne jamais confier à l’IA ce qu’on ne confierait pas à un tiers”, “esprit critique avant tout”).
Résultat : « On crée les conditions pour que l’IA soit un vrai levier d’efficacité et de compétitivité de l’entreprise. On canalise l’apprentissage, on propose des outils qui permettent aux équipes de travailler efficacement et en bénéficiant des apports des évolutions. On développe aussi la confiance en utilisant cette innovation de rupture« .
Trois questions à se poser :
- Qui utilise l’IA chez nous, pour quoi faire ? (Si vous ne le savez pas, le Shadow IA est déjà là)
- Avec qui est-il légitime d’en parler ouvertement ? (Sinon, les jeux de pouvoirs risquent de reporter la mise en pratique de la stratégie IA)
- La position de la direction est-elle connue et comprise ? (Sinon, vous laissez place au bricolage risqué)
Conclusion : transformer l’ombre en stratégie
Le Shadow IA n’est pas une fatalité. C’est une occasion de gouvernance. Il s’agit de passer d’usages dispersés à une intelligence collective maîtrisée, d’un risque confus à un avantage compétitif assumé. Le besoin est là et il doit être satisfait.
“Ne pas s’occuper de l’IA, c’est de l’inconscience. L’IA va apporter un avantage concurrentiel.” déclare Gaëtan de Sainte Marie, PDG de QANTIS
La question n’est plus “utilisons-nous l’IA ?”. C’est déjà le cas. La question est : allons-nous laisser nos équipes dans l’ombre, ou les accompagner et faire de l’IA un levier de performance et de qualité de vie au travail ?
Parution du livre blanc et lancement de la série d’articles.
Ceci est le premier article issu du livre blanc que je viens de terminer sur « Les effets de l’IA sur la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT) ». C’est un travail de recherche et de synthèse de 28 pages, à partir d’interviews de DG, DRH, DSI, managers. Ils m’ont partagé leurs pratiques concrètes, leurs points de vigilance, leurs doutes et questionnements. Dans ce livre blanc, qui est un guide pratique, je vous propose des solutions pour concilier IA, performance et QVCT. Pour accompagner sa publication, j’ouvre donc une série d’articles sur les effets de l’IA sur le travail.
Si le sujet vous intéresse, je vous propose de vous présenter, en visio, une synthèse de cette étude sur : Les effets de l’IA sur la QVCT. Comment réussir la transformation IA ?
Vous pouvez vous abonner à cette newsletter pour ne pas manquer les prochains articles.